
06 Mar Vincent Becker Ingénieurs Fribourg Sàrl
Eyüp Selçukoglu
D’hier à aujourd’hui, quand un métier est une passion
Né à Fribourg, Eyüp Selçukoglu montre, dès son enfance, un véritable intérêt pour les ponts. Très tôt, il sait qu’il veut être de ceux qui participent à leurs réalisations. Diplôme d’ingénieur HES en génie civil ; certification REG A et membre SIA ; poste en recherche appliquée et développement (Ra&D) ; enseignement et partage de sa passion et de ses découvertes à travers le monde, forgent sa carrière. Fort de cette expérience unique, il fonde VBI Fribourg en 2018, société spécialisée dans l’ingénierie structurale. Pour en savoir plus de ce parcours hors-norme et la philosophie qui l’entoure, rencontre avec un ingénieur sérieux qui ne se prend pas au sérieux.
Pourquoi avoir fait le choix du génie civil ?
Quand j’allais chez mes grands-parents à Istanbul, alors enfant, j’étais totalement fasciné par les ponts sur le Bosphore. J’ai rapidement compris que c’était plus qu’un intérêt. Quand est venue l’heure de penser au futur, je me suis rapidement renseigné. On m’a dit alors qu’il fallait être ingénieur civil. J’ai donc focalisé mes études sur cet objectif, en obtenant d’abord un CFC avec maturité intégrée, qui m’a donné accès à la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, en 2004.
Comment s’est organisé votre travail de diplôme qui vous a valu une note de 6/6 ?
Ce travail de diplôme, j’ai demandé au doyen, dès ma 2e année, si je pouvais le mener autour d’un pont. Il m’a suggéré de conforter mes bons résultats, ce que j’ai fait, pour aider à avoir l’accord de tous les professeurs en 3e année, vu que jusque-là personne n’avait travaillé autour d’un ouvrage d’art de cette ampleur. Au moment du choix, leurs discussions, portant sur un projet de construction d’un pont en Corée du Sud par Bouygues Challenger, que m’avait trouvé le doyen, ont été compliquées. Il m’a été refusé de partir dans ce pays, en revanche, on m’a proposé de séjourner à Paris où était installé le bureau d’étude. J’ai de suite dit oui. A mon retour, j’ai défendu mon travail. Couplé à ma détermination, il m’a permis d’obtenir la note maximale de 6/6. Ma carrière était en route !
Quel est votre parcours professionnel à partir de là ?
Dans la foulée de l’obtention de mon diplôme, l’école m’a sollicité pour intégrer un poste de collaborateur scientifique afin de participer aux projets de Ra&D dans le développement de nouveaux éléments structurels. Différents de nos résultats étant probants et marquants, j’ai eu la chance de rédiger des articles scientifiques aux côtés du Professeur Dr. Zwicky Daia et suis parti présenter ces résultats de recherche aux 4 coins de la planète dans le cadre de l’International Association for Bridges and Structural Engineering (IABSE). Par la suite, j’ai eu l’occasion de transmettre mes connaissances dans une école spécialisée au Burkina Faso puis obtenu une reconnaissance importante pour la meilleure contribution de jeune ingénieur international, un véritable tremplin pour ma carrière. De là, j’ai intégré, en 2010, un important bureau genevois en tant qu’ingénieur civil. L’envie de revenir sur mes terres d’origine, Fribourg, et celle de m’installer à mon propre compte me taraudant, j’ai décidé de fonder ma propre structure et pour ce faire, me suis associé avec le dirigeant de Vincent Becker Ingénieurs à Cornaux, société d’ingénieur en génie civil. Ainsi, est née Vincent Becker Ingénieurs Fribourg Sàrl en 2018, spécialisé en structures porteuses. Par ailleurs, passionné par mon quotidien professionnel, j’ai été convié à intégrer le comité de la SIA section Fribourg en 2016 en tant que co-vice-président jusqu’en 2021 et ensuite co-président jusqu’en 2022. L’ingénieur civil n’est que peu représenté dans notre section, j’ai donc souhaité promouvoir mon métier au travers de l’ensemble des activités de la SIA et démontrer qu’un ingénieur doit toujours garder un regard architectural sur le développement des projets.
Quels sont les atouts et les forces de votre équipe ?
La jeunesse en priorité ! En effet, je suis entouré d’une équipe de jeunes professionnels, une dizaine, très impliqués et passionnés par leur métier. Ils ont une réelle soif d’apprendre et je consacre beaucoup de temps à leur distiller mes compétences et mon expérience. Tous se caractérisent aussi par leur assiduité technique. En début d’année 2024, j’ai eu l’opportunité de compléter l’expérience du bureau en accueillant un ingénieur chef de projet senior.
Une ambiance particulière règne-t-elle dans vos bureaux ?
J’ai une philosophie qui me tient à cœur : être sérieux sans me prendre au sérieux ! Il en va de même pour mon équipe. Du coup, chacun est appliqué à son travail mais pour autant il règne une ambiance décontractée, à l’esprit familial où tout le monde s’entend bien. Il y a également beaucoup d’échanges entre nous, d’ordre professionnel et personnel, qui créent une vraie proximité. Il faut savoir que j’embauche une personne par rapport à son cursus mais aussi et surtout par rapport au ressenti que j’ai avec elle. Elle peut avoir le plus beau CV du monde, si je sens une incompatibilité, je préfère ne pas aller plus loin.
Quelles sont les activités de votre société ?
VBI Fribourg est spécialisé dans les structures porteuses avec une forte sensibilité architecturale. Comme nous travaillons autour de tous les matériaux, nous devons, entre autres par notre savoir-faire, proposer, pour chaque projet, celui le plus à même de répondre aux performances structurelles exigées. C’est un long travail qui demande du temps, des analyses, des calculs, de l’implication, de l’optimisation mais qui permet au final d’avoir un résultat rationnel et plus économique pour le mandant. Ceci s’applique à tous les types de projets que nous avons, privés ou publics, d’une petite villa à un ouvrage de taille comme la prison de Bellechasse, dont nous avons le mandat en tant que mandataire spécialisé.
Les expertises font également partie de votre quotidien. En quoi cela consiste-t-il ?
Nous réalisons beaucoup d’expertises à la demande de l’Etat, des institutions publiques ou encore de communes. Dans ces cas-là, elles sont voulues dans le cadre des besoins d’assainissement d’un bâtiment tant au niveau de la statique, des incendies ou encore du parasismique. Nous devons alors évaluer la structure de l’ouvrage, voir si elle est saine ou pas, et s’il faut la mettre en conformité. A partir des résultats, dans le cas de besoin, des propositions sont soumises au maître de l’ouvrage pour les travaux à entreprendre. On parle là d’expertises ouvertes mais il y a aussi les fermées. Elles sont menées à la demande des tribunaux où j’interviens comme expert judiciaire afin d’analyser une situation litigieuse entre différents partis.
Vincent Becker Ingénieurs Fribourg a-t-elle une philosophie propre à elle ?
Il est une chose qui m’est primordiale, ne pas jouer à une concurrence féroce avec mes confrères, ce qui est courant dans le monde de la construction. Par ailleurs, pour se donner le temps d’une analyse poussée et aboutie, je tiens à ce que l’on ait un nombre d’heures suffisants pour faire et faire bien. Evidemment, cela a un prix et positionne la société comme plus chère que d’autres. Par contre, au final, ayant exploré un nombre important de solutions, nous proposons non seulement la meilleure mais aussi la moins coûteuse pour le maître de l’ouvrage. Faire des économies sur l’optimisation des matériaux rentabilise le projet bien au-delà des heures payées à un ingénieur civil ! De plus, cela me permet de donner des salaires décents et intéressants à mes collaborateurs, autre point important pour moi. Tout ceci, en résumé, représente le socle de mon fonctionnement et vient s’ajouter l’honnêteté. A comprendre qu’un chantier qui présente des points négatifs tant sur les coûts, les délais, des demandes qui vont contre ma philosophie, je préfère le refuser. J’ai une éthique, je tiens à la garder. Je dois souligner également que la collaboration et les rapports avec les architectes autour de nos projets m’ont toujours passionné. Pour moi, un ouvrage accompli est celui qui trouve l’équilibre entre la structure, les espaces et l’enveloppe. Cette thématique est primordiale dans l’ensemble de mes échanges lors des phases d’étude des ouvrages.
Quid du développement durable dans vos projets ?
En construisant, on modifie l’environnement, on impacte les sols et beaucoup d’autres choses. Il est donc de notre devoir de limiter les conséquences et leurs différents impacts. Cela passe par l’utilisation efficiente des ressources grâce à une étude et une analyse poussée des besoins afin d’utiliser le moins de matériaux. Pour ce faire, nous proposons des solutions structurelles pensées avec le matériau le plus adapté qui, couplé à une optimisation structurelle numérique, va dans le sens de la limitation de l’usage des ressources. Par ailleurs, dans le cas d’une expertise, nous privilégions de garder l’existant plutôt que de raser et reconstruire. Là encore, en fonction des travaux à mener, tout est scrupuleusement examiné. Ce n’est certes pas la solution la plus facile, elle demande de la réflexion, mais elle va dans le sens du développement durable.
Durant votre carrière, quelle a été votre réalisation la plus marquante ?
Quand je suis entré, à Genève, en 2010, comme ingénieur civil, j’ai été rapidement promu au rang de chef de projet pour un chantier de très grande ampleur. Même si je faisais preuve de caractère et de motivation, l’enjeu était énorme. J’étais jeune alors, mais j’ai accepté. Durant 4 ans, le temps de la réalisation, j’ai vécu des heures difficiles, voire très difficiles, devant tout autant gérer une équipe que travailler de concert avec des architectes et des directeurs de travaux à la longue expérience. Au final, je ne regrette pas du tout d’avoir relevé ce challenge, grâce à lui, j’ai beaucoup grandi ! J’en profite pour remercier mes anciens employeurs pour leur confiance.
Et la plus complexe ?
La recherche appliquée m’a spécialement marqué quant à la complexité qui se cache derrière. Pour chaque projet, je partais de 0. Tout était à faire. C’était ardu mais gratifiant d’arriver, pour certains, à des résultats, aussi méconnus que performants, qui servent ou aident aujourd’hui à la construction, comme les planchers mixtes bois-béton.
Pour finir notre interview, pouvez-vous nous présenter deux projets récents que vous souhaitez mettre en avant ?
Parlons en premier de l’école de la Vignettaz à Fribourg. Chantier en cours, j’y suis attaché car travailler pour ma ville d’origine est une grande fierté pour moi. VBI Fribourg a été mandaté pour réaliser le 100% des prestations en génie civil spécialiste des structures afin de mettre en conformité l’ouvrage. Pour la ville, c’est un projet pilote, au niveau de l’assainissement, qui servira à tous les autres à venir. Il se doit donc d’être exemplaire. Pour ce dernier, nous intervenons tant sur la transformation de la structure intérieure, demandant un renforcement du bâtiment, que sur l’assainissement structural au niveau parasismique ou encore les modifications au niveau des façades.
Pour finir, je parlerais du projet Bel-Air à Villars-sur-Glâne, composé de 2 petits immeubles de 6 logements chacun. De par un sol nullement propice à accueillir un sous-sol, mais devant tout de même incorporer un parking pour l’ensemble, un travail de concert a été mené avec l’architecte. Après analyse, j’ai choisi une solution conceptuelle utilisée pour les ponts. Pour autant, elle répond pleinement aux besoins puisqu’elle est faite d’un mur voile apte à suspendre la structure principale tout en excluant la présence de piliers, un gain de place énorme. Ce choix est judicieux mais il a nécessité des compétences très élargies de par sa complexité.
Il résume tout ce que je vous ai dit auparavant : ne pas lésiner sur le temps passé, trouver des solutions optimales, travailler dans les règles de l’art et au final contenter pleinement celles et ceux qui font confiance à Vincent Becker Ingénieurs Fribourg.
Vincent Becker Ingénieurs Fribourg Sàrl
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